Dès Paris, l’ambiance Diagonale est donnée
Nous sommes dimanche 16 octobre, il est 15h et nous arrivons à Paris par le train avec Seb. La course est encore dans 4 jours.
Bagages enregistrés et passage en salle d’embarquement rapide. Ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas les seuls à venir pour les courses du grand raid ! Le nombre de personnes en survêtement et/ou chaussures de trail au pied est impressionnant !
On a la chance de croiser Dom, un coureur qui vient de Pau pour sa 7ème diagonale. Il nous prodigue quelques conseils. Même si la course est très personnelle, l’expérience des autres est toujours bonne à prendre.
Dans la salle d’embarquement, nous avons également le plaisir de croiser Olivier Bessy. C’est un sociologue et écrivain qui a déjà écrit plusieurs livres sur le Grand Raid, l’UTMB et plus généralement sur la course à pied. Il vient cette année, mandatée par l’organisation du Grand Raid pour écrire un nouveau livre sur cette course mythique !
Seb et moi échangeons un bon moment avec lui sur ce sport, sur la course et le parcours qui nous attend et nous faisons une interview avec lui qui lui servira à nourrir sa réflexion pour son prochain ouvrage. Peut-être serons nous cités !
L’arrivée à Saint-Denis
Après un atterrissage en douceur à Saint-Denis, le lundi matin, on est tout de suite dans l’ambiance ! Les affiches sur les murs souhaitent la bienvenue aux raideurs et le pot d’accueil nous attend à la sortie de l’aéroport.
C’est l’occasion de discuter avec les bénévoles et l’organisation, de gouter au gâteau patates, de récupérer quelques goodies et de faire la rencontre de nouveaux raideurs.
Dom qui a une voiture de location pour lui tout seul nous propose de nous descendre à notre hôtel à Saint-Gilles-Les-Bains qui se trouve sur la route de son logement. Royal !
Quelques jours de repos
Nous avons choisi d’arriver à la Réunion trois jours avant la course histoire de se reposer sur place et de récupérer de la nuit d’avion.
Du lundi au mercredi, ce sont des jours très calmes qui nous attendent : apéros soft (avec deux copains d’entrainement Jérémy et Sylvain qui sont hébergés à 500m de notre hôtel), piscine de l’hôtel, plage à 50m, 2 petits runs de 6/7km… C’est tentant d’en faire plus, mais les jeux sont faits, donc on profite surtout pour faire du frais et on se couche avec les poules !
Le lundi, nous avons eu l’occasion de rencontrer François D’Haene pour récupérer une commande de vin du fameux Domaine Germain. Il y a tellement de monde que nous ne pouvons pas échanger avec lui longtemps.
Le mercredi, c’est le jour de la récupération des dossards. Direction Saint-Pierre, pour un parcours du combattant de plus de 2h qui nous amène de la vérification du sac avec le matériel obligatoire en passant par la récupération du dossard, des t-shirts, des sacs de délestage et la visite du village partenaires.
De retour à l’hôtel sur Saint-Gilles, c’est la préparation des sacs ! Attention à ne rien oublier pour la course. J’avais préparé mes listes en amont car j’ai tout amené de la métropole. Ca fait un sacré bordel sur le lit ! Mais force est de constater qu’il me manque déjà des choses.
Coucher vers 22h pour être en forme le lendemain !
Le grand jour
Ca y est, nous y sommes ! Il est 9h du matin et dans 12h, c’est le grand départ ! J’ai plutôt passé une bonne nuit même si j’ai mis un peu de temps à m’endormir à cause du stress.
On quitte l’hôtel en matinée direction Saint-Pierre en bus avec nos sacs de délestage et nos valises !
L’excitation est palpable chez nous mais l’effervescence règne dans l’ile depuis plusieurs jours et va crescendo. Pendant notre attente, on se fait klaxonner et alpaguer de toutes parts avec des encouragements et des conseils à tout va. C’est hyper motivant mais un peu stressant car on a l’impression de s’attaquer à une course encore plus difficile que nous ne l’avions imaginée.
Bon, autant l’avouer… soit on n’est pas très doué avec les bus de l’île, soit c’est pas clair !
On se pose à l’arrêt de bus (qui n’est indiqué que d’un seul côté de la route) et on voit deux bus qui nous passent devant sans s’arrêter mais en nous faisant des grands gestes. En plus, ils ne passent pas aux horaires indiqués sur place ni sur le site internet…
Avec l’aide de quelques passants, nous comprenons que nous ne sommes pas au bon arrêt de bus et qu’il nous faut nous décaler de 200m. C’est tout de suite mieux et nous pouvons embarquer dans un bus avec 1h 30 de retard sur le planning prévu (mais nous avions prévu très large).
Le voyage en bus me paraît une éternité, mais enfin nous arrivons à Saint-Pierre. Nous en profitons pour manger vers 15h 30. Pour moi, ce sera mon repas habituel d’avant course : pâtes, tomates et thon !
On est en avance pour déposer nos bagages chez un ami d’un ami ! On fait une pause dans le parc de la mairie de Saint-Pierre, désert et vide contrairement à la veille pour la remise des dossards. Tentative de sieste infructueuse pour moi mais un repos de 40 minutes les yeux fermés qui me permet tout de même de bien me ressourcer.
Direction notre hôte, Yannick, chez qui nous laissons nos bagages vers 17h. Là-encore, un peu de repos mais sans dormir et la finalisation des derniers préparatifs. Nous échangeons beaucoup avec lui et les personnes qui sont chez lui. Yannick a déjà fait la diagonale il y a longtemps. Nous y rencontrons également Cédric et Erwan. Cédric s’engage pour la deuxième année sur la Diagonale et Erwan se lance sur la Mascareignes.
Petit shooting photo également pour les deux associations que je soutiens dans mon projet de diagonale solidaire : L’Odyssée de Titouan et l’Association des POIC histoire de faire des belles photos sans le sac à dos que je porterai pendant toute la course.
18h 15, nous partons de chez Yannick, à pied, direction la zone de départ à 2km environ. La nuit commence à tomber. Une belle balade pour se mettre en jambe. Il règne déjà une atmosphère conviviale sur le front de mer même si il n’y a pas encore grand monde.
19h 30, nous mangeons avant l’entrée dans le sas. Toujours le même repas : pâtes, thon, tomates pour moi ! Et enfin, nous entrons dans la zone de départ vers 20h. Seb et moi retrouvons Sylvain et Jérémy avec qui nous discutons un bon moment avant de rejoindre nos sas de départ respectifs.
Je discute également avec Jocelyn un coureur de Rennes que j’ai déjà croisé plusieurs fois sur des courses et dont j’ai suivi la préparation. Il partira du sas 2.
Dans les sas, chacun a sa façon de passer le temps. Certains dorment ou méditent, d’autres discutent, et enfin d’autres, comme moi, ne tiennent pas en place et tournent en rond.
Découpage de ma course
165km, cela risque d’être long ! J’ai donc choisi de découper ma course en 3 sous-parties.
- Du départ jusque Côteau Kerveguen : 65km km et 3500d+ ça va bien monter mais ça devrait me convenir.
- De Kerveguen à Deux Bras : 64km avec la descente du Bloc pour commencer puis le Taïbit et également pas mal de montées/descentes dans Mafate,
- De Deux-Bras à l’arrivée : 38km avec 3 côtes pas simples mais ça devrait sentir bon la fin de course et la motivation à son paroxysme !
Le départ
20h 50 : les élites et le sas 1 sont appelés sur la ligne de départ. 21h : ils partent (avec Jérémy) et le sas 2 est appelé à son tour.
21h 10 : le sas 2 part (dont Jocelyn) et enfin le sas 3 est appelé sur la zone de départ.
3… 2… 1… Partez !
C’est parti pour 165km et 10127m de dénivelé positif. Si tout se passe bien, je serai à l’arrivée au stade de la Redoute à Saint-Denis dans 45-48h.
Ce n’est plus une course de fous, c’est de la folie pure ! Le départ est donné et le public est agglutiné des deux côtés de la route (avec des barrières de sécurité des deux côté sur le premier kilomètre). Pendant près de 6km, le public est au rendez-vous nous encourageant, criant, chantant, tapant dans les mains des coureurs qui ne demandent qu’à prendre leurs doses d’énergies…
On se croirait dans la montée de l’Alpe d’Huez pour le Tour de France. Par moment, la route ne fait que 1,50m ou 2m de large et on arrive à taper dans les mains des deux côtés en même temps !
C’est énorme et les premiers kilomètres sur le front de mer et l’asphalter s’avalent à environ 11km/h.
Les premières ascensions
Direction Domaine Vidot ! Les premiers dénivelés commencent rapidement après Saint-Pierre et nous emmènent à travers des champs de canes. Nous avons la (mauvaise) surprise de nous faire bien arroser par les arrosages automatiques nocturne.
Je passe au premier ravitaillement de Domaine Vidot en 1381ème position.
Il commence à y avoir quelques bouchons dès les premiers rétrécissements. En même temps, passer quelques côtes de 40m à 50m de dénivelé avec du 15/20% dans des singles, ça bouchonne forcément et ça donne le ton pour la suite de la course ! Pour l’instant, je me sens bien et je profite de ces moments de ralentissement pour préserver mes forces.
Très vite, Sylvain qui partait dans le sas 4 nous rattrape (au niveau du ravitaillement de Notre Dame de la Paix) et nous continuons donc à 3. La nuit commence à devenir fraîche (aux alentours de 8°) et j’en profite pour passer ma sous-couche manches longues.
Les kilomètres s’enchainent ensuite sans véritable difficulté. Ça monte régulièrement mais sûrement.
Au niveau du ravitaillement de Nez de Boeuf, je me sens un peu plus en difficultés et je propose à Sylvain et Seb de repartir devant.
Je les vois s’envoler et de mon côté, je continue mon bonhomme de chemin tranquillement pendant près d’une heure.
C’est alors que le soleil se lève et la magie opère ! Les lueurs du jour laissent apparaître les montagnes et leurs écrins nuageux et les dénivelés qu’on devinait aux sensations. Les paysages sont magnifiques et le soleil me donne un regain d’énergie qui me permet de reprendre un rythme plus rapide (sans s’enflammer non plus). Je rattrape Seb et Sylvain juste avant l’arrivée au ravitaillement de Mare à Boue.
Je passe le ravitaillement de Mare à Boue en 1039ème position.
Puisque je suis sus un temps fort, je décide de faire uniquement le plein de liquide et de grignoter un peu en repartant, tandis qu’ils optent pour un ravitaillement chaud.
Stratégie au top !
Je m’attaque au Côteau Kerveguen qui marquera le point culminant de notre périple à près de 2500m d’altitude.
Je trouve que la montée se fait vraiment facilement et je double un grand nombre de coureurs sur des singles humides avec de nombreuses racines, pierres glissantes et rondins de bois.
En haut, j’espère avoir une magnifique vue sur l’ile, mais c’est sans compter le brouillard, l’humidité et le froid qui rendent ce passage en hauteur moins plaisant. Les paysages que l’on distinguent sont superbes et ça s’éclaircit au fur et à mesure que nous arrivons au sommet.
Ca y est, nous sommes en haut ! La première partie de ma course est terminée.
Du Bloc à Mafate
Une fois rendu au point haut, il n’y a pas d’autre choix que de redescendre ! Les descentes ne sont toujours pas mon fort et j’appréhende toujours celles qui sont trop techniques ou trop raides.
Je me lance… 1 virage, puis 2, puis 10, puis 20… La descente est interminable ! 900m de dénivelé négatif en 3 kilomètres, ça calme. Je commets quelques erreurs heureusement sans chute ! Ça aurait été dommage de se blesser ou de rejoindre Cilaos en ligne droite ! Pas de folie, pas d’excès de confiance. Je double certains concurrents mais me fait surtout dépasser sur cette portion.
La descente nous offre un magnifique panorama sur Cilaos et son cirque. En bas de la descente, alors qu’on croit arriver à Cilaos, on a le droit à une petite boucle de 4 kilomètres par le plateau des chênes. Sylvain me rattrape à ce moment là et on fait route ensemble jusqu’à la base de vie de Cilaos au kilomètre 73.
Pour l’instant, tout va bien. Les muscles répondent bien et je n’ai pas de sensations de fatigue particulière.
Je pointe à Cilaos en 839ème position. La base de vie fait un bien fou : se poser un peu, récupérer quelques vivres complémentaires, se changer un peu et manger un plat chaud (pâtes natures pour moi).
Le stop aura pris 35’ environ mais sera bénéfique.
Seb nous rejoint sur la base de vie et on a pu manger à trois et échanger nos impressions sur la première partie de course.
Je repars de Cilaos derrière Sylvain et devant Sébastien qui privilégie un arrêt plus long.
Le Taïbit et Marla
Le voici, le deuxième gros morceau de la diagonale. Le Taïbit qui culmine à environ 2100m d’altitude et qu’il faut monter depuis Bras Rouge (800m d’altitude) soit une belle ascension de 1300d+ !
La portion avant le pointage « Début sentier Taïbit » me parait plus compliquée que l’ascension du Taîbit en elle-même. Elle enchaine pas mal de montées/descentes sur des singles et cela est assez usant d’autant que cela parait sans fin.
Je passe au pointage du bas du Taïbit en 829ème place avant de m’élancer dans la véritable ascension. Cette montée est certes compliquée et longue mais elle se fait plutôt bien. Les pourcentages sont assez réguliers et une fois le rythme trouvé, il n’y a plus qu’à faire un pas puis un autre. Je fais tout de même plusieurs pauses dans l’ascension car la fatigue commence à se faire sentir (cela fait 17/18h que je cours).
Plus on monte et plus cela s’assombrit. Encore une fois, la vue est gâchée par des nuages et on a régulièrement de la pluie dans la montée. J’ai l’impression de ne pas avoir avancé dans la côte mais globalement, je pense avoir gagné des places. Le sommet du Taïbit est atteint au bout de 1h 15 d’ascension depuis le bas du sentier Taïbit (2h environ depuis Bras Rouge).
Je m’engage enfin dans la descente vers Marla qui nous amène dans le cirque de Mafate. La descente est plutôt facile et ne tire pas sur les quadriceps qui se portent merveilleusement bien.
J’arrive au ravitaillement de Marla en 791ème position et retrouve Sylvain qui vient d’y arriver. Un petit stop grignotage et nous décidons de repartir pour faire une pause dodo un peu plus bas dans la vallée. Les arrêts sur les ravitaillements bases de vie ne sont en général pas très bénéfiques car il y a toujours beaucoup de passage de raideurs ou de bénévoles. Nous nous posons environ 1km après Marla en bord du chemin et nous autorisons un petit repos de 15’ après avoir mis le réveil à sonner.
Je pense avoir mis moins de 3 secondes à m’endormir et lorsque le réveil sonne, je suis (presque) frais comme un gardon ! Nous repartons donc et on peut reprendre un bon rythme grâce à la récupération.
Direction le Col des Boeufs (500m de dénivelé) qui nous amènera à la Plaine des Merles et nous permettra de revenir dans Mafate.
Le trou noir
La nuit tombe et je rencontre un gros problème ! Je sors ma frontale mais elle ne s’allume plus… gros moment de panique. Pas de problème, j’ai pris un jeu de piles neuves en rab. Je les cherche, les mets en galérant un peu (grâce à Sylvain qui m’éclaire) mais la frontale ne s’allume toujours pas. Bref… l’affaire se complique sérieusement ! Je cherche également ma frontale de rechange que j’avais normalement mise dans mon sac à Cilaos mais je ne la trouve pas.
Je continue avec Sylvain mais une frontale pour deux c’est vraiment galère dans le Col des Boeufs. Si je suis devant, mon sac éblouit sa frontale qui baisse en intensité, et si je suis derrière, je ne vois pas grand chose. On essaye tout de même de garder un bon rythme pendant la montée. Nous avons tout de même perdu un bon nombre de places dans cette portion.
Nous atteignons le Col des Boeufs ensemble et c’est parti pour la descente ! Heureusement, la descente vers le poste de ravitaillement suivant est assez simple et large. Un autre coureur nous prête main forte : 2 frontales pour 3, c’est tout de suite mieux ! Surtout que ça passe à 3 en largeur et c’est top en se mettant au milieu.
Passage au ravitaillement de la Plaine des Merles en 874ème position ! Tout s’est bien passé au niveau de la course, mais je ne suis pas dans un état psychologique au top avec ce problème de frontale. Je profite du ravitaillement pour vider mon sac (dans les deux sens du terme) et chercher la deuxième frontale que je n’ai malheureusement pas (elle est restée dans le sac de délestage de Cilaos) ! Je retente également les piles dans la première frontale mais rien n’y fait et elle ne démarre toujours pas. Bref, je me demande comment je vais finir la diagonale sachant que la deuxième nuit vient de commencer et qu’il me reste environ 10h à attendre avant qu’il ne fasse jour… Si j’attends 10h avant de repartir, je serai forcément hors-délai.
Un grand merci…
À Sylvie, une bénévole qui a vu ma galère et qui m’a gentiment prêté sa frontale. L’éclairage est différent de la mienne, la tenue aussi, mais je vois ! Elle ne sait pas combien de temps les piles en place vont durer mais ce sont aussi des AAA comme j’ai en secours.
C’est un grand soulagement de pouvoir continuer la course. Merci !
On repart ensemble avec Sylvain. L’arrêt aura été plus long que prévu, mais émotionnellement, cela va mieux. Je vais pouvoir rentrer dans Mafaite plus serein.
Mafate, il paraît…
Je rentre dans Mafate en 855ème position au sentier Scout !
Il parait que Mafate c’est beau ! Il parait que dans Mafate il fait chaud et qu’on en bave. Pour moi, cela aura été plus simple ! Rentrer dans le cirque le vendredi vers 20h, avec une température d’une vingtaine de degrés, c’est parfait, même si on ne voit pas les paysages. Il y a beaucoup de racines et de branches dans la première partie vers Ilet à Bourse qui est très plaisante. On avale beaucoup de dénivelé négatif, et cela passe sans problème. On est un groupe d’une dizaine de coureurs et pas mal de discutent pour passer le temps ! Un coup, Sylvain passe devant, un coup, c’est moi, mais on ne se lâche pas.
Il y a plusieurs passages étroits en bordure de ravin avec des lignes de vie accrochées dans la roche. Attention vertige !
Jusqu’à Grand Place Les Bas / École, tout va bien, même si je commence à avoir des légères hallucinations. Rien de grave : j’ai juste l’impression de marcher sur des figurines, des visages, des petits objets… Toutes les brindilles et tous les cailloux par terre dessinent des formes et des créations. Au début, ça fait bizarre mais je continue mon chemin et m’y habitue. Pour rappel, cela fait environ 26h que le départ à été donné et je n’ai eu que 15’ de sommeil dans les 38 dernières heures !
Dans Mafate, un beau morceau nous attend : la montée de Roche Plate ! 700m de dénivelé, donc sur le papier ça passe d’autant qu’on a déjà avalé 6500m de dénivelé positif sans broncher (ou presque). Mais dans les faits, c’est plus compliqué. Pour moi, cela aura vraiment été la difficulté de la Diagonale. Elle me parait interminable et offre des passages bien costauds. C’est la partie pendant laquelle j’ai le plus juré !
J’arrive dans un moment où je ne suis plus très en forme. Je sens que je manque de jus et je n’ai plus envie de mes ravîtes habituels : compotes, barres ou de pâtes de fruits. Je m’accroche avec Sylvain et après 2h de montée nous arrivons enfin au sommet.
Pour avoir discuté avec de nombreux raideurs dans cette côte, beaucoup en auront bavé !
Au ravitaillement, je ne suis toujours pas en super forme. Je n’ai pas vraiment envie de manger et ne sais pas ce qui pourrait passer. Je discute avec des bénévoles et l’une d’entre elles me conseille très fortement d’opter pour un ravito patates. Je suis ses conseils et effectivement la patate me nourrit et me cale à la fois. Elle a également le mérite de changer mon régime alimentaire et de casser cette lassitude. Bref, le ravito qui aura pris une quinzaine de minutes a fait un bien fou et je repars revigoré.
Quelques kilomètres plus loin, la frontale de Sylvie donne des signes de faiblesses et je change les piles, toujours éclairé par Sylvain ! Elles fonctionnent à merveille et cela confirme donc que le problème venait de ma frontale qui a rendu l’âme en pleine diag.
La descente vers Ilet des Orangers puis vers Deux-Bras s’effectue sans encombre ou presque. Le jour se lève sur Mafate et je découvre enfin cette nature extraordinaire et ces paysages de cartes postales.
Un télésiège dans Mafate
Malheureusement, même avec le jour, les hallucinations deviennent de plus en plus fréquentes et les petites visions sont complétées par des hallucinations bien plus importantes.
Le point critique est atteint lorsque je commence à apercevoir des voitures, des maisons, un panier de basket et même un télésiège dans Mafate ! Le télésiège, ce n’était que l’assemblage de deux branches : la première droite et oblique qui traversait le chemin et qui faisait office de câble, et la seconde courbée qui faisait le siège… Il a fallu au moins 20 à 30 secondes et plusieurs observations rapprochées à mon cerveau pour décrypter la scène. Je savais bien que ce ne pouvait pas être un télésiège mais mon cerveau avait vraiment l’impression d’en voir un.
Je comprends alors que mon corps souffre d’un manque de sommeil évidemment. Je me décide donc à faire une pause improvisée juste après la passerelle d’Oussy et m’organise une sieste de 15 minutes sur le bas côté.
Sylvain est parti devant quelques minutes auparavant. On verra si je le rattrape après ou non. Encore une fois, la sieste fait beaucoup de bien et je repars au bout de 15 minutes, frais et reposé, et me permets de courir jusqu’à la base de vie de Deux Bras qui marque presque la fin de Mafate. J’y arrive en 717ème position.
J’y retrouve Sylvain qui a fait une pause kiné. Il repart devant moi mais prévoit une sieste de 15’ plus loin, donc je devrais le retrouver.
Un marathon pour terminer
Il me reste ma troisième partie de course. Ce n’est pas la plus dure mais avec la fatigue accumulée depuis 34h de course (30’ de sommeil seulement), cela ne sera pas une sinécure. Il reste en gros un marathon (36km) à boucler et 2000d+.
Je repars de Deux Bras 15 minutes plus tard et retrouve Sylvain un kilomètre plus loin. Nous commençons la montée de Dos d’Âne ensemble. 700m de dénivelé positif qui nous emmènent hors de Mafate. La montée, très raide au début (à la limite de l’escalade) se passe bien pour moi. Sylvain est plus rapide et part devant. Je ne le reverrai plus de la course.
Une fois monté à Dos d’Âne, c’est la fête ! J’arrive chemin Ratineau et c’est hyper roulant… Cela fait plaisir de pouvoir « sprinter » à 6km/h de moyenne pendant 4 kilomètres ! En tout cas, comme dirait la Compagnie Créole, c’est bon pour le moral.
Surtout avant d’attaquer le chemin Kalla ! Est-ce que c’est véritablement un chemin ? Est-ce que c’est un éboulis ? Je ne sais pas vraiment…
Toujours est-il qu’il y a des passages très techniques et raides ! Mon orteil, qui m’avait globalement laissé tranquille, me fait souffrir à présent et je dois m’arrêter prendre un Doliprane que je n’ai pas (je devais en reprendre avec moi à la base de vie de Deux Bras et j’ai zappé). Heureusement, je trouve rapidement un coureur qui m’en fournit un et je me décide à faire une période de 10/15 minutes où je marche comme je peux le temps qu’il commence à faire effet.
Je peux reprendre un peu de vitesse au fur et à mesure ! J’arrive à La Possession en 679ème place. Il y a une ambiance de dingue et on croirait à l’arrivée (sauf qu’il reste encore 20km). Ça applaudit de tous les côtés, ça encourage et les spectateurs nous tapent dans les mains. Je suis un peu dans le pâté et je leur tape dans les mains aussi sans me rendre compte qu’il y avait mes enfants et ma femme parmi eux. Je fais alors le plein de ressources et me requinque en famille quelques instants.
Mais il est déjà l’heure de repartir pour boucler les 20km et les 1200d+ restants.
Saleté d’Anglais (ou pas)
Tout trailer ou ultra traiteur a déjà entendu parlé du sentier des Anglais. C’est un beau chemin pavé de 7km qui relie La Possession à Grande Chaloupe !
Et pour info, il n’a pas été fait par des Anglais mais par les Français. Il tire son surnom, car il a permis aux Anglais de débarquer à Grande Chaloupe et de rejoindre Saint-Denis.
Sauf que les ouvriers qui ont fait ce chemin devaient avoir bu plus d’une pinte avant ! Des pavés (et des pierres) de toutes les tailles, sans qu’aucun ne soit aligné. On est plus dans une décharge de cailloux que sur une allée. Pour ne rien arranger, il est 13h et le soleil tape bien ! Donc avec la forte chaleur (environ 28/30°), on a l’impression de cuire sur place. La première photo est vraiment la partie la plus belle du chemin des Anglais. J’ai oublié de prendre la suite en photo, tellement concentré sur la pose des pieds !
Bref, ce passage sera pour moi un long chemin de croix, surtout la partie descendante vers Grande Chaloupe que je passe en 660ème position.
Colorado
Arrivé à Grande Chaloupe, je me décide à faire une nouvelle sieste et m’accorde 15 minutes. Une nouvelle fois, ce sommeil sera réparateur et je m’attaque à la dernière montée du parcours, celle de Colorado.
La montée se passe bien et je double pas mal de coureurs pendant l’ascension (notamment sur la première partie qui n’est ni plus ni moins que la suite du Chemin des Anglais), même si globalement j’ai perdu des places à cause de ma sieste.
La deuxième partie est elle plus roulante avec de belles pentes dans des singles et une sorte de chemin de moto cross.
680ème au passage de Colorado… Il ne reste plus qu’une descente et le stade de la Redoute me tend les bras.
Mais quelle descente !
Un premier kilomètre tranquille puis les 4 suivants avec un terrain cahotique, bien pourri, dégueulasse… Choisissez l’adjectif qui vous convient le mieux !
Des racines, des éboulis, des dévers, des branches, des souches… Bref, tout est réuni pour en faire une descente galère. Je prends mon temps pour y aller et surtout ne pas partir à la faute. Cela serait vraiment dommage de chuter là, si proche du but !
Plus la descente avance et plus on entend le speaker et l’ambiance du stade de La Redoute ! J’ai du rallumer la frontale à mi-descente avec la luminosité qui diminuait. La descente aura été longue et jusqu’au bout le risque de chute est bien réel.
La délivrance
Ca y est, la descente de Colorado est finie ! Plus que 500m pour être finisher de la Diagonale des Fous… 200m… 100m !
Je retrouve ma femme et mes enfants à l’entrée du stade de La Redoute et je rentre dedans le stade avec les enfants pour un moment magique !
Ca y est, je suis finisher de la Diagonale, l’un des ultras les plus durs et les plus mythiques du monde. Et cerise sur le gâteau avec le temps que j’espérais : 45h56’06″ (20′ en moins par rapport à l’affichage car je partais en sas 3).
Il y a quelques années, je pensais cette diagonale inaccessible et j’y suis ! J’ai ma médaille de finisher et mon beau t-shirt jaune « J’ai survécu », une photo avec mes enfants sur la ligne d’arrivée mais surtout des souvenirs pleins la tête. Place à la récupération avec deux Dodos et un repos bien mérité ensuite.
Seb arrivera environ 1h après moi après avoir fait un fait final canon ! Il a opté pour une stratégie différente où il a plus dormi ce qui lui a permis d’être plus rapide lorsqu’il courait (alors que j’ai compté presque 4h d’avance sur le lui vers Roche Plate).
Sylvain qui m’a lâché dans la montée de Dos d’Âne a terminé en 44h 16 soit 1h 40 avant moi (plus ses 10′ de bonus du sas 4) ! Et pour finir, le 4ème compère d’entrainement, Jérémy, a bouclé sa diagonale en un temps indécent de 37h13′.
Et voici les stats Strava pour les puristes des chiffres.
Et le lien Live Trail : https://grandraid-reunion-oxybol.livetrail.run/coureur.php?rech=651
Bilan de la course
Super content de ma course ! Je n’aurai pas pu rêver mieux pour une première Diagonale. Je finis c’est le principal et en plus, jackpot, dans les temps que j’espérais !
Pour moi, les 3 principaux moments durs ont été : la montée de Roche Plate, le Chemin des Anglais et la descente de Colorado. Après, de manière générale, le tracé est beaucoup plus exigeant et cassant que des trails que j’ai pu faire en métropole (y compris l’UTHG à Samoëns qui avait pourtant un ratio dénivelé / kilomètre légèrement plus important).
Je pense que ma prépa a été plutôt bonne. Les séances de marche ont porté leurs fruits tout comme l’abonnement en salle de sport chez BestOfGym à Rennes ! Si je devais le refaire, je ferai peut-être plus de sorties sur le GR34 en Bretagne où certains endroits sont bien cassants, et une sortie dans les Pyrénées pour aller chercher des pierriers.
Dommage de ne pas avoir trouvé le sommeil avant le départ de la course. 30′ de sieste l’après-midi aurait été un gros plus !
Niveau sommeil dans la course, j’aurai pu opter pour des siestes un peu plus longues pour rester un peu plus frais :
- de 20/25′ par sieste par exemple
- ou en faire une plus grosse de 30′ vers Marla.
En tout cas, ce trail est une véritable expérience, riche en apprentissages sur la course à pied et sur mes capacités de dépassement personnelles… Je ne sais pas si je reviendrai sur la Diagonale, mais pas tout de suite en tout cas !
Un dernier merci…
- à ma famille pour le soutien pendant la préparation et la course,
- aux copains d’entrainement car c’est toujours plus facile à plusieurs,
- à Sylvie pour sa frontale,
- à Yannick et Bertrand pour le bon plan stockage des bagages et pour l’accueil au top,
- à tous ceux qui ont envoyé des messages d’encouragements/de félicitations avant, pendant et après la course,
- à toutes les personnes croisées avec qui j’ai discuté…
- aux supers bénévoles et à l’organisation au top !
Point cagnotte Diagonale Solidaire
Et pour finir, la cagnotte Leetchi pour les deux associations est encore ouverte jusque fin du mois. Nous sommes déjà à 2620€ collectés et l’objectif des 3000€ se rapproche vite ! Ensemble on peut le dépasser !
Mise à jour : la cagnotte a été clôturée à 3210€ à laquelle il faut ajouter deux dons pour un montant de 1500€. Ce sont donc 4710€ qui ont été reversés aux deux associations, répartis à parts égales.
Merci pour elles !